C’est quoi Mirapolis ?
Mirapolis était un parc à thème situé à Courdimanche, dans le Val-d’Oise, en France. Ouvert en 1987, ce parc s’étendait sur 55 hectares et était décrit comme le premier grand parc d’amusement de France. Inspiré par la littérature et la culture françaises, notamment des romans et des fables, Mirapolis cherchait à offrir une expérience immersive et éducative à ses visiteurs. Malheureusement, malgré son concept unique et son ambition, Mirapolis a rencontré des difficultés financières qui ont finalement conduit à sa fermeture. Les problèmes ont commencé à émerger peu après l’ouverture du parc, résultant de la mauvaise gestion, de coûts de construction élevés, et d’une fréquentation insuffisante. Ces facteurs ont contribué à une situation économique insoutenable, poussant les propriétaires du parc à déclarer faillite. La fermeture du parc, quelques années seulement après son ouverture, a marqué la fin d’un projet ambitieux et a laissé derrière elle un site abandonné, témoin d’un rêve de grandeur qui ne s’est jamais pleinement réalisé .
Qui est à l’origine du projet ?
La genèse du projet Mirapolis commence en 1980, lorsque l’architecte Anne Fourcade envisage de créer un parc de loisirs. Inspirée par une visite à Disneyland en Californie deux ans plus tard, elle imagine un concept de royaume enchanté avec une touche culturelle française. Convaincue du potentiel de son projet, elle estime pouvoir attirer six cent mille visiteurs annuellement.
En 1984, grâce aux contacts de son père, Anne Fourcade rencontre le milliardaire saoudien Ghaith Pharaon. L’implication de Pharaon, doté d’une grande expérience dans le financement de projets d’envergure, donne l’impulsion nécessaire pour concrétiser Mirapolis. Le projet est alors porté par la société Sodex Parc, basée sur un montage financier élaboré par la Banque Arabe et Internationale d’Investissement (BAII), autour du groupe de Pharaon. Cet appui financier et stratégique permet de développer un parc ambitieux prévoyant initialement 21 attractions, dont deux inédites en Europe, et espérant attirer jusqu’à deux millions et demi de visiteurs pendant les deux cents jours d’ouverture annuelle, avec la création d’un millier d’emplois.
Mirapolis est présenté aux autorités du Val-d’Oise en avril 1985, et la société anonyme Paris-Parc, présidée par Pharaon, est créée pour gérer le projet. Le permis de construire est délivré quelques mois plus tard, et les travaux débutent sur un ancien domaine agricole. L’objectif est ambitieux : accueillir trente mille clients par jour sur une surface initiale de 55 hectares, envisagée par la suite à plus de 90 hectares. Le financement repose sur une combinaison de capitaux propres, majoritairement étrangers, et d’emprunts bancaires, complétés par des contrats de sponsoring avec de grandes marques.
Cette genèse de Mirapolis illustre un projet d’envergure international porté par la vision d’une architecte innovante et le soutien financier d’un investisseur de renom, ambitionnant de créer un parc de loisirs unique en son genre en France.
Des débuts difficiles
L’inauguration de Mirapolis le 20 mai 1987 par le Premier ministre Jacques Chirac, prévue initialement pour le 1er mai, marque le début officiel du parc. Jacques Chirac souligne l’intelligence et le charme du projet, combinant tradition française et technologie avancée, anticipant son succès auprès des familles. Cependant, dès l’ouverture au public le 21 mai, le parc rencontre des difficultés importantes.
Une différence de traitement fiscal envers les parcs de loisirs, spécifiquement lors des négociations pour l’implantation d’Euro Disneyland où le taux de TVA est réduit à 7% contre 18,6% pour les manèges forains, suscite le mécontentement des forains. Ceux-ci, menés par Marcel Campion, manifestent violemment contre Mirapolis le jour de son ouverture, causant des dommages importants aux installations et un préjudice commercial significatif. Cette attaque, entraînant des désistements et une baisse drastique de la fréquentation dès les premiers jours, met en lumière les tensions entre les parcs à thème et les forains qui voient dans ces nouveaux espaces une menace pour leur existence.
Les difficultés ne s’arrêtent pas là pour Mirapolis. Les attaques des forains se poursuivent, incluant la distribution de fausses entrées gratuites et le sabotage des accès routiers au parc. Malgré ces défis, la direction du parc reste initialement optimiste quant à la fréquentation, mais doit rapidement admettre que les objectifs ne sont pas atteints, principalement en raison d’une fréquentation inférieure aux attentes et concentrée sur des groupes bénéficiant de tarifs réduits.
La première saison se termine avec un bilan loin des prévisions, attirant moins d’un tiers des visiteurs espérés et se soldant par un déficit de 20 millions de francs. Cette performance décevante entraîne un changement de gestion, avec le Club Med reprenant l’exploitation, et une augmentation de capital pour tenter de relancer le parc avec de nouvelles attractions.
Quelles étaient les attractions emblématiques de Mirapolis ?
Mirapolis était divisé en plusieurs zones thématiques, voici un résumé des attractions marquantes par zone :
Le Sommet de la Grande Frousse : Cette zone mettait en vedette Miralooping, des montagnes russes en métal avec le plus grand nombre d’inversions en France à l’époque, ainsi que Le Tourbillon, un manège type troïka, et le Mirapolis Express, un train desservant différentes parties du parc.
Le Paradis des Comptines Gourmandes : Orientée vers les plus jeunes, cette zone comprenait le Palais de Dame Tartine, offrant le spectacle animatronique L’Arbre Lumière, la Galerie des Automates et un manège Music Express nommé Caravelles.
Le Pays des Légendes : Ici, l’attraction principale était le Voyage sous la Mer, une descente dans l’univers sous-marin légendaire de la ville d’Ys, accompagnée de monstres aquatiques et de scènes animées.
La Terre de l’Aventure : Cette zone proposait des attractions comme La Rivière des Castors, un parcours en bateau, et Le Bateau Pirate, un manège de bateau à bascule, entre autres attractions axées sur l’aventure.
Le Royaume de l’Illusion : Dominée par le Château des Sortilèges et la Tour de Léonard de Vinci, cette zone offrait un spectacle d’animatroniques mettant en scène Léonard de Vinci et ses inventions.
Le Domaine du Moyen Âge : Mettant en avant l’attraction Gargantua, un parcours scénique suspendu, cette zone plongeait les visiteurs dans un univers médiéval enrichi de spectacles et de manèges.
Le Jardin de la Belle Époque : Avec des attractions comme le Ruisseau Fleuri et les Tacots Chapeaux, cette zone rendait hommage aux peintres impressionnistes et à l’ère de la Belle Époque.
La Grand’Place : Cœur du parc, elle accueillait la Grande Parade, le Château des Visions pour des expériences cinématographiques en relief, et servait de lieu pour divers spectacles et activités.
Comment le Club Med a-t-il géré Mirapolis en 1988 et quels étaient les résultats ?
Pour la saison 1988, le Club Med prend la direction de Mirapolis, avec comme objectif de revitaliser le parc. Conscient de l’écart entre les habitudes de consommation locales et celles des Américains, notamment en matière de restauration rapide, le Club Med double le nombre de sièges dans les espaces de restauration. Une enquête révèle que 44% des visiteurs fréquentent les self-services, suivi par les kiosques (24%), les fast-foods (20%) et les services à table (12%).
Afin d’attirer une clientèle plus large, le Club Med investit dans de nouvelles attractions, notamment Miralooping, une grande attraction à sensations. D’autres ajouts incluent un cinéma en relief, un manège de montgolfières, et un simulateur de vol. Le parc bénéficie également du parrainage du chanteur Carlos, qui contribue à la promotion de Mirapolis à travers des chansons et des apparitions sur site.
Sous la direction de Marc Tombez, ex-Club Med et directeur général adjoint depuis 1987, les actionnaires injectent 100 millions de francs supplémentaires dans le parc. Ces investissements, couplés à une stratégie de marketing renouvelée, portent le total des investissements à 188 millions de francs.
Mirapolis accueille un million de visiteurs lors de cette deuxième saison, un record pour un parc d’attractions français à l’époque, surtout en l’absence de concurrents majeurs comme Disneyland Paris. Cependant, le parc ne parvient pas à atteindre son seuil d’équilibre fixé à 1,1 million de visiteurs, indiquant une nouvelle fois des résultats décevants et présageant d’autres restructurations.
Un accord est signé en décembre 1988 entre Marc Tombez et Marcel Campion, représentant un groupement d’intérêt économique de forains, dans une tentative de résoudre les conflits précédents et de stabiliser la situation du parc.
Néanmoins, à l’issue de cette saison, Mirapolis affiche un déficit cumulé de 85 millions de francs, soulignant les défis financiers persistants auxquels le parc doit faire face malgré les efforts de relance.
Quels événements ont conduit à l’intégration des forains dans la gestion de Mirapolis et au dépôt de bilan du parc ?
En 1989, Mirapolis connaît un tournant significatif avec l’intégration des forains dans son équipe de gestion. Ces derniers participent aux investissements en apportant leurs propres manèges, modifiant ainsi profondément l’aspect et l’identité du parc. Les tarifs augmentent à 110 francs pour les adultes et 80 francs pour les enfants, tandis que Paris-Parc et les forains investissent respectivement 55 millions et 30 millions de francs. Cette évolution marque une rupture avec la vision initiale du parc, qui ne souhaitait pas devenir une simple foire aux manèges.
L’année est aussi marquée par un événement de boxe organisé par les frères Acariès, qui se solde par un échec suite à la blessure rapide du boxeur français René Jacquot. La fréquentation du parc enregistre une baisse de 30 % par rapport à l’année précédente, attirant principalement des visiteurs des départements voisins. Malgré une réduction des coûts d’exploitation de 35 %, le parc accumule un déficit croissant, atteignant 300 millions de francs. La situation financière devient intenable, conduisant à une déclaration de cessation de paiement en décembre 1989.
La société Paris-Parc dépose le bilan au début de 1990, affichant un cumul de pertes de 330 millions de francs. Le parc est alors confronté à la possibilité d’une liquidation, malgré les efforts des forains pour le sauver. La situation est compliquée par des manifestations de forains et par l’implication de Mirapolis dans le projet du futur Stade de France, ce qui réduit encore ses chances de survie.
Cette période marque la fin d’une aventure ambitieuse pour Mirapolis, qui, malgré des efforts de redressement et une intégration des forains dans sa gestion, n’a pas réussi à surmonter ses difficultés financières et à s’imposer comme une destination de loisirs pérenne en France.
Quelles affaires judiciaires ont entouré la reprise de Mirapolis ?
La saison 1990 de Mirapolis est marquée par une affaire judiciaire impliquant Marcel Campion et Dominique Strauss-Kahn. Campion a accusé Strauss-Kahn, alors président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale et député du Val-d’Oise, de lui avoir demandé un pot-de-vin pour faciliter la reprise de Mirapolis. Ces accusations, révélées en 2012, ont conduit à la condamnation de Campion pour diffamation en 2014.
Malgré l’attente d’une décision judiciaire sur l’avenir du parc, les forains commencent à accueillir des visiteurs en avril 1990 avec des tarifs revus à la baisse. Finalement, en avril 1990, le tribunal de commerce de Paris désigne les forains comme repreneurs de Mirapolis, en association avec le groupe financier saoudien Concorde, déjà principal actionnaire. Cependant, la reprise du parc au groupement Campion-Concorde ne se fait pas sans controverse, notamment avec l’appel du procureur de la République contre cette décision.
La situation se complique davantage lorsque Pharaon, représentant 25 % de Campion-Concorde, se désiste, mettant en péril la reprise par les forains. Un certain laisser-aller est observé dans la gestion du parc, avec des attractions et des espaces non ouverts ou partiellement opérationnels, ainsi que des problèmes de sécurité et de propreté.
Finalement, en octobre 1990, la Cour d’appel de Paris attribue la reprise de Mirapolis à la société Cergy-Parc, composée principalement du Crédit national, tout en permettant aux forains de continuer à gérer le parc jusqu’en 1992. Cette période est marquée par des défis continus en matière de gestion et de fréquentation, reflétant les difficultés à redresser la situation de Mirapolis.
Comment s’est déroulée la dernière saison de Mirapolis ?
La saison 1991 de Mirapolis introduit de nouveaux tarifs d’entrée et quelques nouveautés, telles que des statues de dinosaures et d’animaux préhistoriques ainsi qu’un saut à l’élastique. Cette saison, cependant, marque également la fin de Mirapolis : le parc ferme définitivement ses portes le 20 octobre 1991.
Les efforts pour rendre le parc viable s’avèrent insuffisants, et en décembre de la même année, Marcel Campion reconnaît que Mirapolis ne peut pas être rentable, signant ainsi la fin officielle du parc. Il est admis que, malgré un équilibre atteint avec 400 000 entrées et 29 millions de francs de recettes en 1991, des investissements considérables seraient nécessaires pour faire face à la concurrence d’Euro Disneyland, dont l’ouverture est imminente.
Les forains récupèrent leur investissement en reprenant des attractions et du matériel, ainsi qu’en attendant une indemnisation de Cergy-Parc. André Campion, directeur de Mirapolis en 1990 et frère de Marcel Campion, récupère également divers éléments pour les installer dans son propre parc, Saint-Paul.
Quel est le destin des terres et attractions de Mirapolis après sa fermeture ?
Après la fermeture de Mirapolis en 1991, le parc ne rouvre pas ses portes malgré la présence des forains en vertu d’un contrat de location-gérance. Les attractions itinérantes repartent, et les installations fixes sont démontées et vendues à d’autres parcs de loisirs, notamment au Spreepark à Berlin, qui acquiert treize attractions. Le site de Mirapolis est ensuite laissé à l’abandon et envahi par la végétation.
Des permis de démolition sont délivrés pour les derniers bâtiments en 1993, et les terrains sont progressivement repris par la nature. Malgré la surveillance, le site subit vandalisme et pillage. Certains éléments du parc, comme les statues de dinosaures, trouvent une nouvelle vie dans des projets artistiques ou d’autres parcs de loisirs. Par exemple, le restaurant Les Pirates est transféré à Plopsaland, et le système de transport de l’attraction Voyage sous la mer se retrouve à Europa-Park.
Depuis sa destruction, l’espace de Mirapolis sert occasionnellement pour des exercices de sécurité et a même accueilli une rave party en 2003. Les souvenirs du parc restent vifs dans la mémoire collective, avec la création d’œuvres artistiques et littéraires qui s’en inspirent, ainsi que des expositions et rencontres organisées par l’association Mirapolis – Les Amis du parc.
Des projets de reconversion du site ont été envisagés, notamment la création d’un village de vacances éco-nature. Cependant, malgré l’intérêt et le soutien initial, les difficultés financières et les changements de propriété ont ralenti le développement de nouveaux projets sur le site. En 2022, aucune transformation majeure n’avait encore eu lieu, laissant l’avenir du site incertain.
Pourquoi Mirapolis a-t-il échoué ?
L’échec de Mirapolis peut s’attribuer à plusieurs facteurs clés liés à sa conception, sa gestion, et à la méconnaissance du marché cible. Initialement, l’équipe créative, bien qu’innovante, manquait cruellement d’expérience dans le domaine des parcs à thèmes, ce qui a conduit à des erreurs de conception et à une offre d’attractions mal adaptée aux attentes du public.
La gestion du parc a souffert d’un manque de continuité et d’expertise spécifique aux parcs à thèmes, malgré des tentatives de réorientation par le Club Med puis par un groupe de forains. Ces changements n’ont pas su corriger les déficiences fondamentales en matière d’attractivité et de gestion financière.
Le choix des thèmes culturels français, bien qu’intellectuellement riches, ne résonnait pas suffisamment auprès d’un large public. Des références culturelles complexes ou peu connues ont limité l’attrait du parc et compliqué sa commercialisation. Le Puy du fou étant un contre exemple on ne peux pas attribuer l’échec uniquement sur cette base.
Sur le plan économique, Mirapolis était jugé trop grand et mal conçu pour le nombre d’attractions proposées, ce qui a entraîné des coûts d’exploitation élevés et une expérience visiteur diluée. De plus, les coûts de lancement et les attentes de fréquentation étaient irréalistes par rapport à la réalité du marché français de l’époque, qui n’était pas encore mûr pour des parcs de cette envergure.
La stratégie marketing était insuffisante et inappropriée, ce qui, combiné à une image publique ternie par des incidents violents impliquant des forains lors de l’ouverture, a nui à la réputation du parc. En outre, les tarifs d’entrée, jugés trop élevés par rapport à l’offre, ont découragé de nombreux potentiels visiteurs.
Enfin, l’émergence et le succès d’Euro Disneyland (aujourd’hui Disneyland Paris) ont redéfini les attentes et les standards des parcs à thèmes en France, rendant la position de Mirapolis encore plus précaire. L’incapacité du parc à s’adapter rapidement à un marché en évolution et à surmonter ses déficiences structurelles et conceptuelles a finalement conduit à sa fermeture.
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